Les haltes de nuit font-elles concurrence aux campings?
Les haltes de nuit font-elles concurrence aux campings?
Photo : Radio-Canada / Alice Jacottin
Certains campings déplorent que des municipalités accueillent gratuitement les propriétaires de véhicules motorisés ainsi que les voyageurs nomades, susceptibles de faire partie de leur clientèle.
Si Camping Québec constate un achalandage inégal parmi ses membres cet été, des stationnements de supermarchés sont parfois envahis par toutes sortes de véhicules récréatifs.
La vie en fourgonnette, ou la vanlife en anglais, et les voyages spontanés attirent de plus en plus les Québécois. C’est ce qu’affirme le cofondateur et président de l’association VanLife Québec, Philippe Raymond.
Le stationnement derrière les Galeries du Vieux Port de Matane est souvent complet. Les gestionnaires demandent régulièrement aux voyageurs de se déplacer.
Photo : Radio-Canada / Alice Jacottin
C’est presque impossible de concurrencer la gratuité
, lance d'entrée de jeu Simon Tessier, président-directeur général de Camping Québec. Il fait référence aux haltes routières et aux emplacements permettant aux nomades de s’arrêter pour la nuit que les municipalités ont mis en place pendant la pandémie. Les campeurs étaient alors très présents dans la province.
Par exemple, la Municipalité de Saint-Ulric propose une halte pour les véhicules récréatifs avec une contribution volontaire. Le maire, Michel Caron, confirme qu’il s’agit d’emplacements offerts pour 24 heures et non d'une invitation à camper plusieurs jours.
La Municipalité propose ces stationnements avec enthousiasme. Au lieu de passer sur la [route] 132 puis de voir un peu le village de haut, ça permet de voir vraiment le village du côté fleuve
, raconte le maire. Les nomades et les voyageurs se promènent dans sa municipalité le soir et visitent le magasin général.
Ce que je peux dire, c'est que les gens qui s’arrêtent sont quand même très respectueux des lieux.
Le maire de Saint-Ulric, Michel Caron (Photo d'archives)
Photo : Radio-Canada / Marguerite Morin
Ses dires font écho à ceux de Philippe Raymond, qui décrit les dix principes guidant sa communauté. On trouve parmi ces points : encourager le commerce local et laisser les endroits propres.
La seule trace qu'on veut laisser, c'est de l'argent dans les communautés et les traces de pneus, peut-être, dans un stationnement.
La mission de l'association de Philippe Raymond est d'éduquer les «vanlifer» et de guider les municipalités face à l'affluence de véhicules motorisés.
Photo : Philippe Raymond
L'ouverture et le maintien de ces stationnements à la nuitée sont encouragés par des associations comme VanLife Québec, mais n’enchantent pas forcément les campings de la région.
À titre d'exemple, le président du camping O’Ptit Des Monts, Henri-Paul Therriault, soutient que l’achalandage de véhicules récréatifs (VR) sur les stationnements que propose la Ville de Sainte-Anne-des-Monts le prive d’une partie de sa clientèle potentielle.
Je ne vois pas pourquoi les personnes seraient mieux devant [...] un aréna que sur un camping avec la villégiature et toutes les infrastructures [qu’on a] présentement
, fait-il valoir. Son camping propose des stationnements sans services pour une trentaine de dollars, sans réservation.
M. Therriault ne comprend pas ce changement d'affluence et indique qu'il n’a jamais augmenté les prix de ses emplacements en neuf ans. (Photo d'archives)
Photo : Radio-Canada / Marguerite Morin
Ce qu’il déplore, c’est le manque de consultation entre les élus municipaux et les campings.
Quand on fait un site de débordement, il faut toujours bien qu'il y ait des débordements avant de les ouvrir.
S’adapter à une nouvelle formule de voyage
Les campings restent populaires pour les activités plus traditionnelles, mais les attentes des voyageurs nomades ne sont pas les mêmes, selon Simon Tessier, président-directeur général de Camping Québec.
C’est également ce que soutient Stéphane Parent, un campeur affirmé depuis son plus jeune âge. Habitué à piquer sa tente ou à dormir dans sa fourgonnette, il différencie le modèle de camping traditionnel du désir d’indépendance du nomadisme motorisé.
Il raconte qu’on entend souvent : Ça se paye, des équipements à 150 000 $, mais ça veut des terrains gratuits!
Ce n'est pas tout à fait ça. Quand on dit ça, on ne comprend pas la philosophie en arrière
, plaide M. Parent.
Photo : Radio-Canada / Alice Jacottin
Philippe Raymond, lui, décrit cet état d'esprit par une nouvelle spontanéité dans les voyages et un désir d’arriver à un campement sans restrictions d’heures. Il ajoute cependant qu’il y a un problème relié à la gestion des eaux propres et grises des véhicules récréatifs.
Face à ces nouvelles demandes, les campings tentent de s’adapter.
Pour le président-directeur général de Camping Québec, il faut qu'il y ait un intérêt de part et d'autre, autant pour l'entreprise que pour l'utilisateur. [...] C'est au camping individuellement de voir s'il y a une occasion de marché de ce côté-là et puis de développer des services en conséquence. Pour certains, ça fonctionne; pour [d’]autres, ça ne fonctionne pas.
«On ne pourra jamais forcer des campeurs à venir dans les terrains de camping s'ils ne veulent pas venir », affirme Simon Tessier, pdg de Camping Québec.
Photo : Association VanLife Québec
L’association VanLife Québec accompagne certains campings dans cette adaptation. Philippe Raymond explique qu’il s’agit de terrains moins bucoliques
, plus reculés, mais qui offrent un stationnement pour une nuit à moindre coût.
De son côté, Simon Tessier croit que les différents acteurs devraient davantage communiquer et être réunis dans la même industrie. Les haltes routières, les stationnements sans services dans les campings et les applications qui proposent des nuitées contre un abonnement répondent tous à la même demande, affirme-t-il.
Source: ICI Radio Canada Gaspésie-Iles de la Madeleine.
Photo : Radio-Canada / Alice Jacottin